L'hippopotame rêvait de violettes


Chroniques publiées dans la Tribune de Genève





Née un matin, oubliée le soir: la destinée d'une chronique est de mourir aussitôt publiée. Existence de papillon. Il y aurait donc de la prétention à vouloir les rassembler ensuite. C'est ce qu'avancent des esprits distraits. Ils oublient que l'on peut faire ainsi, à traits menus, le croquis d'une époque. Et que certains auteurs, qui n'y pensaient pas, lui doivent toute leur gloire.

Cela prouve que la chronique est une fausse modeste. Ceux qui la pratiquent connaissent ses exigences. Concision, construction, précision: le mécanisme est rigoureux. La case réservée dans un journal a des dimensions implacables. Avec ce tic-tac dans la phrase, il faut paraître léger. Voler d'un sujet à l'autre, faire semblant de changer d'idée et d'humeur à chaque instant. Comme un papillon.







"Il marchait sous l'eau en rêvant de violettes": Christian Vellas parle ici d'un hippopotame. Détour humide, et nécessaire selon lui, pour nous expliquer comment il écrit ses chroniques. Cet argument de poids lui permet de nous donner ses recettes, d'évoquer le bonheur d'écrire. Puis le bonheur tout court. Et même le bonheur plus long: celui que l'on voit ricocher à travers ces pages, si l'on se penche un peu et qu'on ne reçoit pas le galet en pleine figure.
Car il faut rester méfiant. Christian Vellas aime raconter des histoires-piège. Ne croyez pa tout ce qu'il fait semblant de vous dire. Il utilise la parabole, invente des gens bizarres, des destins étranges. Jette aussi un regard sarcastique sur les mœurs de ses contemporains. Oh, de façom anodine, en effleurant avec tendresse et légereté la surface des choses...
Mais dessous, il y a l'hippopotame.

L'éditeur