Chantons les quatre saisons




L'Automne: une experte de l'effeuillage





                                                                                     
                                                                                                                                  Photo Marcel Malherbe



Méfiez-vous de cette rousse

 


Nous voici en automne. Puisqu'il est préférable d'encenser les gens en place, affirmons que c'est la saison la plus chantée par les poètes. Que risque-t-on? Le Printemps n'est plus là pour sortir son dossier de presse et nous lui avons tressé assez de lauriers en son temps.
Printemps et automne, saisons de transition, sont certes plus célébrés qu'hiver et été, saisons de paroxysmes. On est sans doute plus touché par les changements que par les certitudes.
Sans conteste, l'Automne est du genre féminin. C'est une rousse qui va vous laisser des regrets. Elle aime les vents mouillés qui troussent ses jupes et commencent à l'effeuiller. Bientôt, elle vous laissera tout voir: la fourrure de l'écureuil, la gorge des ramiers, et des fruits mûrs si bons à mordre...
Faites attention: on ne peut se fier à l'Automne. Ce genre de créature ne tient pas ses promesses. Un jour ou l'autre, vous vous retrouverez seul en train de patauger dans les flaques.
Mais comment rester raisonnable devant tant de rouerie? Vous allez vous laisser entraîner dans les champs, les sous-bois. Avec une longue écharpe rouge pour vous signaler aux chasseurs. Amoureux transi, parfois trempé. Vous ramasserez des escargots, écouterez la voix du chien courant lancé sur la piste du lièvre, mangerez des noisettes. Les premiers feux de cheminée danseront dans les yeux. Vous vous brûlerez la langue en mangeant des châtaignes.
Bientôt, vous serez sans défense. Vous oublierez que tout cela n'est pas sérieux. Que les jours raccourcissent. Qu'il faut fermer les volets de plus en plus tôt sur vos désirs.
Vous resterez sourd au cri de l'oie sauvage, qui s'échappe dans la nuit vers des pays chauds. Vous ne voudrez pas entendre la grive qui vient de Russie, se saoule dans les vignes, puis repart. Ni la tourterelle, ni la sarcelle, ni la bécasse aux prunelles dorées...
Un matin plus froid, la saison fauve vous aura plaqué. Brouillard et larmes. Je vous aurai assez prévenu! Le bonhomme Hiver la remplacera: un glaçon, un grognon. Vous boirez le vin nouveau pour oublier et regarderez le calendrier: à quand le printemps?


ALLEZ A L'HIVER