Chantons les quatre saisons



L'Hiver est un Monsieur






                                                                                                                     Photo Marcel Malherbe





Une allure de noble et des habits troués
 


L'Hiver est un Monsieur. On doit lui tirer son chapeau, tout au moins son bonnet. Il affectionne les houppelandes et les capes de berger, paraît toujours décoiffé par quelque tempête. Il s'habille de noir ou de blanc.
Parfois de rouge, au temps de Noël. Sa période mystique. Il fait alors la fête une bonne semaine, se fend de diverses prodigalités. Méfiez-vous de ces largesses éphémères: l'Hiver n'est pas un cadeau.
Il reprend vite son humeur massacrante et fait trembler le pauvre monde. Ne le heurtez point. Il pique de terribles colères et dé­vaste une province pour un regard un peu froid. L'Hiver aimerait que, sous ses pas, l'herbe ne repousse plus. Obsession de barbare. Il ne sait pas que la résistance, encore souterraine, s'organise et le chassera le moment venu...
Sous son règne, tout doit mourir ou faire semblant. La nature s'ensommeille, l'ours roupille dans sa caverne, la marmotte dans son trou. Les nuits sont longues, comme jamais. Mais les amants n'en profitent guère. Il se réchauffent avec des bouillottes, remontent les couvertures et n'osent quitter les chemises de nuit. Les sens sont aussi assoupis. Mieux vaut rêver à des saisons plus aimables.
L'Hiver souffre de sa mauvaise réputation et tente parfois de séduire. Il fait donner la neige et ses paysages de rêve, distribue les joyaux de ses givres, illumine les sapins de glaçons scintillants. Certains s'y laissent prendre. Mais ces présents fondent un jour ou l'autre, et tout se termine dans une débandade dégoulinante. La gadoue.
L'Hiver a des allures de noble que la fortune aurait dépouillé. Il cache du linge troué sous son habit, en gardant la morgue du seigneur. Maigre, comme l'arbre qu'il a mis à nu, on voit bien que l'abondance n'a pas cours en sa maison. Quel âge a-t-il? Ce vieillard redoutable semble éternel. On croit l'enterrer, et chaque année il revient.
Ne le prenez pas en viager, vous feriez un marché de dupes.

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